Prendre de la hauteur, partager la donnée

La donnée géospatiale est bien plus qu’une carte ou un point sur un écran. C’est une infrastructure invisible mais essentielle, au cœur de nos politiques publiques, de nos projets de développement, de nos choix quotidiens. Lorsqu’un pays se dote d’un Géoportail, il ne lance pas simplement une plateforme numérique : il réaffirme une ambition collective. Celle de mieux comprendre son territoire, de mieux l’aménager, de mieux le protéger.

Le lancement du nouveau Géoportail du Sénégal s’inscrit dans cette vision. Héritier d’une première génération d’outils issus du Plan national de Géomatique (PNG), ce projet marque une étape majeure : non plus seulement centraliser et référencer les données, mais les rendre accessibles, utiles et actionnables pour tous. Pour les institutions, qui y trouveront un cadre normalisé de collaboration ; pour les professionnels, qui disposeront d’un environnement technique de qualité ; et surtout, pour le grand public, qui pourra désormais consulter, explorer, et interagir avec l’information géographique.

Une plateforme au service de toutes et tous

Le nouveau Géoportail a une ambition claire : doter tous les acteurs et utilisateurs de données géospatiales d’un environnement multiplateforme fiable. Il mettra à disposition des informations certifiées sur l’existence et la disponibilité des données, des données officielles thématiques et de base, ainsi que des actualités du domaine géospatial au Sénégal. Les bénéfices de cette initiative sont multiples et se déploient à plusieurs niveaux :

• Pour les institutions et professionnels : Le Géoportail facilitera la recherche d’informations précises sur les données géospatiales existantes, leurs modalités d’accès et d’utilisation. Il offrira un éditeur de métadonnées et de catalogage conforme aux normes ISO (ISO19115/119/110), garantissant une documentation rigoureuse et un partage efficace. La cartothèque permettra aux institutions de contribuer avec leurs cartes numérisées et de proposer des services de consultation, de téléchargement ou même de commande d’impression, valorisant ainsi des archives souvent
  inexploitées.

• Pour les usagers et le public : L’une des avancées majeures est l’accès facilité à des données de base et thématiques officielles. Des cartes sur le territoire sénégalais seront directement accessibles, offrant une ressource précieuse pour la recherche, l’éducation ou la simple curiosité. L’application thématique de données, organisée autour de cinq pôles essentiels (AGRO, AQUA, SOCIO, BIO, TERRA), démocratisera l’accès à des informations cruciales sur l’Agriculture et la Sécurité alimentaire, l’Economie bleue, les Services sociaux de Base, l’Environnement et la biodiversité, les Infrastructures et l’Aménagement du territoire. Cette structure permettra une navigation intuitive et ciblée pour le grand public.

• Pour l’innovation et le renforcement des capacités : Le Géoportail ne se limite pas à la diffusion de données. Des initiatives comme le GÉOINNOV Challenge 2025 galvanisent les acteurs de l’innovation (universités, startups, secteur privé) autour des données du portail en promouvant le développement de solutions technologiques locales et la création de services ou de produits innovants répondant aux besoins des structures publiques. De plus, une application de ressources pédagogiques prévue deviendra un centre de documentation virtuel, regroupant des tutoriels, des formations, des normes ISO et des retours d’expériences sur l’utilisation des solutions géospatiales. Cette initiative est cruciale pour le renforcement des compétences et la sensibilisation du grand public, en droite ligne avec les objectifs du projet Sen Spatial.

Cas d’usage : Identifier les écoles exposées aux feux de brousse

Prenons un cas concret. Dans certaines régions du Sénégal, les feux de brousse sont un phénomène récurrent qui menace aussi bien l’environnement que les infrastructures humaines. Grâce au nouveau Géoportail, il devient désormais possible de croiser des données issues de deux institutions distinctes pour mieux anticiper les impacts.

• D’un côté, les données du Centre de Suivi Écologique (CSE), via le pôle BIO, fournissent une couche spatiale des zones affectées par les feux de brousse en 2023.

• De l’autre, les données de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), via le pôle SOCIO, proposent une cartographie complète des Collèges et Lycées à l’échelle nationale pour la même année.

En combinant ces deux couches via le Géoportail, il devient possible de repérer les établissements scolaires situés à proximité immédiate ou à l’intérieur des zones brûlées. L’analyse révèle, par exemple, que plusieurs écoles dans des zones rurales ont été affectées par des incendies récents, mettant en péril la sécurité des élèves et la continuité des cours.

Ce type de croisement permet aux autorités locales de cibler les établissements à sécuriser en priorité ; aux ministères concernés de prioriser des programmes de résilience ou de reboisement autour des zones sensibles ; aux partenaires techniques de proposer des actions concrètes appuyées sur des données vérifiables.

Ce cas illustre parfaitement la vocation du Géoportail : briser les silos de données, et permettre des analyses à haute valeur ajoutée pour la prise de décision, la prévention des risques et la planification territoriale. L’ambition est grande, à la hauteur des défis du pays. Mais elle est aussi portée par une conviction simple : mieux connaître son territoire, c’est déjà mieux le construire.

Dr Abdoulaye Diakité
PDG, CityGeometrix